Burkina Faso, 41% des barrages en état de dégradation

AgribusinessTV 11 septembre 2024 522 Aucun commentaire

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Presque la moitié des Barrages au Burkina Faso ne sont pas en bon état. 41% d’entre eux sont en situation de dégradation avancée. Pendant ce temps, certains projets de construction piétinent alors que les délais sont épuisés.

Lors d’une session parlementaire le 27 janvier 2024, l’ancien ministre de l’Eau, Augustin KABORÉ, a alerté sur l’état critique des barrages au Burkina Faso soulignant que 41% du nombre total sont dans une dégradation très avancée.  « Une chose est d’avoir les moyens de mobiliser l’eau. L’autre, c’est de se donner les moyens de protéger ces infrastructures et de les utiliser de façon conséquentes », commente Marc GANSORÉ, Secrétaire Général de la Confédération paysanne du Faso (CPF), soulignant également que les populations doivent éviter d’avoir des attitudes qui nuisent aux barrages.

Les causes de la dégradation des barrages sont multiples. Parmi elles, la fermeture, en 2002, de l’Office National des Barrages et Aménagements Hydroagricoles (ONBAH), jadis chargé de la réalisation et la gestion des barrages. Après la fermeture, la gestion et l’entretien des barrages ont été confiés au secteur privé. 

« Depuis que la conception et l’exécution des barrages sont confiées au secteur privé, comprenant des entreprises et des bureaux d’études, l’entretien et la sécurité des barrages sont devenus une préoccupation majeure pour les acteurs du domaine », indique le rapport du Document cadre d’entretien et de sécurité des barrages. Ce rapport qui relève les lacunes de la gestion des barrages par le secteur privé précise que les facteurs majeurs de dégradation des barrages sont « sans conteste » les insuffisances dans la conception, les vices cachés de réalisation, la mauvaise exploitation, le déficit d’entretien et la vétusté.

Ousséni DRABO, Directeur Général des Infrastructures hydrauliques souligne qu’il y a un manque de système solide pour l’entretien des barrages. En réponse, un décret de classification des barrages a été pris, accompagné d’un arrêté spécifique pour renforcer l’entretien et la maintenance. Ce décret vise également à engager les communautés locales dans la préservation de ces infrastructures.

Inégale répartition

Entre 2012 à 2021, 32 nouveaux barrages ont été construits au Burkina Faso, selon le rapport de l’annuaire statistique de l’eau et de l’assainissement de 2021. Cependant, leur répartition est inégale. Certaines régions n’ont pas bénéficié de nouvelles constructions. C’est le cas des régions du Sahel, de la Boucle du Mouhoun et du Sud-Ouest.  La région du Centre-Sud est celle où il y a  le plus grand nombre de nouveaux barrages : 08.

La région du Sahel et la Boucle du Mouhoun, le Directeur Général des Infrastructures hydrauliques explique l’absence de nouveaux barrages par le contexte sécuritaire difficile qui ne permet pas la réalisation des travaux. « Les prestataires n’ont pas pu les réaliser à cause de la présence du terrorisme », détaille Ousséni Drabo. En revanche, pour la région du Sud-Ouest, relativement plus sécurisée, il souligne que cette partie du pays est concernée par des travaux d’envergures, notamment le barrage de Ouessa et Bougouriba, et que ces projets nécessitent plus de temps pour être réalisés.

Barrages en souffrance

En effet, à Ouéssa, commune située à environ 250 kilomètres de Ouagadougou, la population avait placé un grand espoir sur le projet de construction du barrage, annoncé il y a plusieurs années, mais dont les travaux n’ont pas encore commencé. « Il n’y a pas de travail. Ça fait que certains jeunes quittent Ouessa pour aller au Ghana travailler. Si le barrage était là, au lieu de se déplacer, entrer dans les autres pays pour travailler, les jeunes allaient rester », fulmine Jean de Dieu SOMDA, habitant de Ouéssa.

La construction de ce barrage évalué à plus de 720 milliards de FCFA pour une capacité 1 milliards 550 mètres cubes traverse plusieurs régimes sans que les travaux sortent de terre.  « Pendant que le président Blaise COMPAORÉ était au pouvoir, le barrage devait prendre fin en 2011. Mais en 2011, on n’a rien vu, même une machine. Tout ça, c’est de l’égoïsme. Et ça nous fait très mal », s’indigne Alain SOMÉ, un autre habitant de la commune.  

Sur le site qui devait abriter l’ouvrage, pas de machines. Pas de personnel. Pas travaux. Marc GANSORÉ, Secrétaire général de la Confédération paysanne du Faso (CPF) et producteur agricole, s’inquiète des conséquences de l’absence de l’infrastructure hydraulique. « Au-delà de cette insécurité que nous vivons, si nous devons vivre aussi dans l’insécurité alimentaire, alors ça va être le chaos. Pour ce barrage et bien d’autres infrastructures, je crois que l’État doit encore mouiller le maillot », interpelle le secrétaire général de la CPF.

À côté du barrage de Ouéssa, celui de la Bougouriba qui devrait accroître de plus de 800 000 tonnes la production de produits vivriers et maraîchers est aussi un serpent de mer.  Pourtant, la pose de la première pierre de l ’ouvrage de 1,05 milliards de mètres cubes a eu lieu en 1998 par le premier ministre de l’époque, Kadré Désiré OUÉDRAOGO. 26 ans après, il n’y a toujours pas de barrage.

Le Directeur Général des Infrastructures hydrauliques assure que le président du Faso (NDLR : le Capitaine Ibrahim TRAORÉ) a fait de ces barrages d’envergure son cheval de bataille. « Il a pris ça comme des projets très importants à réaliser à tous les coûts. Des échanges sont en train de se faire pour que ces barrages voient le jour », a précisé Ousséni DRABO.

Le barrage de Ouessa n’est pas un cas isolé d’infrastructure hydraulique qui stagne. Le cas du barrage de Niou, lancé officiellement en mars 2019 pour un délai d’exécution de 14 mois hors saison des pluies, n’a toujours pas été livré. Qu’est-ce qui coince avec ce barrage qui devrait être réalisé dans le cadre du Projet de mobilisation et de valorisation des eaux de surface dans le Plateau central (PMVEC)

Dans un article du journal Sidwaya publié le 17 janvier 2024, le coordonnateur du PMVEC, Boukari COMPAORÉ  a expliqué le retard par le fait que « le prestataire avait des difficultés pour mobiliser du personnel et du matériel conséquent pour l’exécution des travaux. Le projet s’est vu obligé de le déclarer défaillant et procéder définitivement à la résiliation du contrat en avril 2021. »

Dans l’article, il ressort que c’est le groupement CTG-CI/CTG-BF qui devrait exécuter le marché. Mais celui-ci a été déclaré « défaillant ». En mai 2022, l’entreprise de l’Avenir/CED a été recrutée pour achever les travaux avec un délai d’exécution de sept mois, hors saison des pluies. Ce deuxième prestataire devait, selon les explications de Boukari COMPAORÉ, « livrer l’ouvrage hydraulique au plus tard fin mai 2023 afin de respecter la date de clôture du projet, le 31 décembre 2023 ».  

Des travaux résiduels à terminer

Le 23 juillet 2024, lors d’une interview que le Directeur Général des Infrastructures hydrauliques nous a accordée, il souligne que l’ouvrage est terminé et qu’il reste des travaux « résiduels » à terminer avant la réception du barrage. « L’entreprise a introduit une demande de réception. Le constat des techniciens est qu’il y a un nettoyage à faire sur certains ouvrages avant d’aller vers la réception officielle. Après les travaux, il y a des résidus qui ne donnent pas une bonne image du terrain. L’entreprise est alors invitée à faire ce nettoyage avant la réception », a expliqué Ousséni DRABO.

À terme, l’ouvrage devra favoriser plusieurs activités agricoles. « Au terme des travaux, le périmètre irrigué pourra accueillir 200 exploitants qui pourront produire annuellement 215 tonnes de riz et 1 000 tonnes de produits maraîchers. Il est également prévu l’empoisonnement du plan d’eau et l’aménagement d’un étang piscicole », peut-on lire sur la page Facebook du ministère de l’Eau et de l’Assainissement dans une publication mise en ligne le 18 mars 2019, que nous avons consultée le 07 août 2024.

Hadepté DA

 

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