Le Burkina Faso a longtemps fait partie des mauvais élèves en matière d’accès à l’eau potable. Désormais, le pays fait des progrès. En milieu rural comme en zone urbaine, le taux d’accès à l’or bleu a connu une évolution, surtout ces dix dernières années. Mais la bataille de l’eau est encore loin d’être gagnée.
À Reka, un village situé à une dizaine de kilomètres de Ouahigouya, les femmes se rappellent encore les longs trajets pour aller chercher l’eau. « On avait difficilement accès à l’eau, on partait chercher l’eau dans le village voisin. Le manque d’eau nous fatiguait énormément », se souvient Rasmata OUÉDRAOGO. Les familles qui n’étaient pas en mesure de faire le déplacement, précise-t-elle, étaient obligées de se contenter des eaux de pluies ou des points d’eau. Comme à Reka, l’approvisionnement en eau potable a longtemps été une denrée rare dans plusieurs villages du pays. En 2006, plusieurs régions étaient dans le rouge.
Ces dernières années, la corvée d’eau est en passe de devenir un lointain souvenir dans de nombreuses zones rurales. C’est le cas à Reka, où avec l’installation de forages et la réparation de celles qui étaient en panne, les femmes ne parcourent plus de longues distances en transportant les bidons ou bassines pour aller chercher l’eau. En cette matinée du 16 juillet 2024, c’est toute joyeuse que Rasmata OUÉDRAOGO s’est rendue à la pompe du village, située à quelques pas de son habitation, pour puiser l’eau nécessaire à ses activités quotidiennes, avant de se rendre au champ où un groupe de femmes l’attendent pour les travaux agricoles communautaires. « Cette pompe nous soulage beaucoup », soupire-telle, après avoir vider sa bassine d’eau dans la jarre.
On étanche mieux sa soif
En milieu rural comme urbain, l’accès à l’eau s’est sensiblement amélioré ces dix dernières années. À Nioko 1, un quartier périphérique de Ouagadougou, Roch THIOMBIANO se rappelle les nuits passées à attendre l’eau qui ne venait souvent qu’aux petites heures du matin, voire après plusieurs jours sans. Il précise qu’il pouvait passer toute une journée, voire deux jours, sans eau. Et lorsqu’elle coulait de son robinet, c’était souvent vers 3 ou 4 heures du matin. « Il fallait être prêt à se lever à tout moment de la nuit pour recueillir l’eau. Le matin, à 6 heures déjà, il y a coupure d’eau », se remémore-t-il. Puis, il se dirige vers son robinet qu’il ouvre et aussitôt le liquide précieux jaillit. « Je n’ai pas toujours d’eau dans mon robinet 24h/24, 7jours/7, mais il y a quand même de l’amélioration », a précisé Roch THIOMBIANO.
Alassane SAMOURA, sociologue a consacré près de 25 ans de sa carrière à une ONG spécialisée dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, avant de quitter pour fonder le musée de l’eau, un espace qui met en valeur l’importance de l’eau à travers des objets traditionnels lié à son extraction, son transport et son utilisation. Nous l’avons rencontré le 20 juillet 2024 dans les locaux du musée à Loumbila, à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou, la capitale politique du Burkina Faso. Il est entouré d’un groupe de jeunes qu’il motive à réfléchir sur la préservation les ressources en eau dans un ce contexte de changement climatique. Alassane SAMOURA affirme que le Burkina Faso a fait de « grands progrès » en matière d’eau potable. « Il faut reconnaitre avec fierté », insiste-t-il. Cependant, il note qu’il reste des « efforts à fournir. »
« Vous verrez toujours sur les réseaux sociaux, des gens qui se plaignent de la question de l’eau », a dit Alassane SAMOURA, soulignant qu’il ne passe pas un seul jour sans que les gens ne posent le problème de l’eau.
Les premières batailles de l’eau
Le défi de l’eau a été une lutte longtemps menée au Burkina Faso. Le pays a formulé pour la première fois une politique de l’eau en 1977. Cette politique visait à satisfaire les besoins en eau en développant des infrastructures hydrauliques, notamment les barrages. Mais, en 2005, en milieu rural, près de la moitié de la population ne disposait pas d’un accès « raisonnable » à l’eau potable. Par accès raisonnables, entendez par là, un approvisionnement en eau potable disponible à moins de quinze minutes de marche du lieu d’habitation. Pour une meilleure disponibilité, le pays a aussi adopté une loi d’orientation relative à la gestion de l’eau qui vise, entre autres, à préserver la quantité et la qualité des eaux.
Les batteries de mesures et les actions d’autres acteurs du domaine n’ont pas permis un accès à tous à l’eau potable. C’est alors qu’est intervenu le Programme National d’Approvisionnement en Eau Potable et d’Assainissement. Mis en œuvre entre 2007 et 2015, il a permis, selon le rapport bilan, a près de 5 millions de personnes supplémentaires d’être desservies en eau potable, en milieu rural comme urbain. Mais le pays était loin des objectifs du Nations Unies qui reconnait l’accès à l’eau potable pour tous comme un droit et qui invite les États à atteindre cet objectif d’ici 2030. C’est dans cet élan qu’en 2016, le Burkina Faso met en œuvre le Programme National d’Approvisionnement en Eau Potable. Ce deuxième programme a, selon l’Annuaire Statistique de l’eau potable, de l’Assainissement des eaux usées et excreta de 2021, a contribué à accroitre le nombre de personnes qui ont accès à la « source de vie ». Fidèle KOAMA, Directeur de l’Approvisionnement en eau potable précise qu’à la fin de l’année 2023, le taux d’accès à l’eau potable s’élevait à 78,3 %.
Ces unités qui pêchent en eau trouble
La question de l’eau potable attire aussi de plus en plus des hommes et femmes d’affaires qui créent des unités de production d’eau minérale. Selon le rapport de l’annuaire statistique de l’eau et de l’assainissement, en 2012, il n’y avait aucune unité officiellement implantée. Depuis lors, 234 unités se sont établies sur le marché des eaux minérales en sachet. Les plus fortes concentrations de ses unités de production se trouvent dans les régions du Centre, des Hauts-bassins et de la Boucle du Mouhoun.
À côté des unités officiellement reconnues, il y a celles qui opèrent dans la clandestinité. Un rapport d’enquête réalisé en 2022 par le Réseau national des consommateurs du Faso (RENCOF) révèle que certaines entreprises travaillent dans des conditions insalubres. « Des flaques d’eaux et de la broussaille partout, avec une mauvaise évacuation des eaux usées, une mauvaise aération qui entretient une humidité́ interne », précise le rapport d’enquête 2022 du Réseau national des consommateurs du Faso.
Le 28 juin 2024, lors d’une conférence de presse, la section régionale de la police judiciaire de la région de l’Est a annoncé le démantèlement de trois unités clandestines de production d’eau préemballées. Selon le commissaire de police Zakaria TRAORÉ qui a expliqué les faits, les usines clandestines situées dans les quartiers de la ville de Fada N’Gourma utilisaient des dispositifs de filtrages raccordés à des polytank où à l’Office Nationale de l’Eau et de l’Assainissement. Aussi, a-t-il ajouté, l’une de ces unités produisait et conditionnait illégalement l’eau préemballée dans six types de sachets estampillés différemment.
Pourtant, l’autorisation d’implantation d’une unité de production d’eau préemballée est soumise à une autorisation délivrée par le ministère du Développement industriel, du Commerce, de l’Artisanat et des Petites et Moyennes Entreprises. Un arrêté interministériel fixe les conditions d’implantations et de productions d’eau préemballée. Selon l’article 4 de cet arrêté, les unités de production d’eau préemballée doivent être situées à une grande distance de zones polluées et d’activités industrielles, de zones sujettes à des infestations par des ravageurs et des pathogènes. Une mesure foulée au pied selon le rapport du RENCOF.
Hadepté DA